L’esprit et la matière du lieu : la superposition

 

 

J’ai commencé à utiliser la superposition de deux négatifs, un noir et blanc et une couleur. Au premier négatif correspond toujours un lieu, au second un ou plusieurs personnages mis en scène.
Le lieu, qu’il soit habité ou abandonné, public ou privé, dégage une aura parfois fantasmatique qui provoque des visions, des émotions à mi-chemin entre le rêve et le cauchemar. L’impression d’une vie sous-jacente des lieux photographiés s’exprime alors sur le mode hallucinatoire. La photographie créée est alors allusive, elle ne cherche pas à imposer un cadre; le spectateur est libre d’imaginer et de projeter sa propre histoire: celle qui est donnée à voir peut nous faire puiser dans les peurs de l’enfance et dans l’imaginaire qui en découle par la suite (la peur du noir, les contes terrifiants …).
Par le jeu de superposition de ces deux photographies, les contours deviennent indistincts et l’aspect fantomatique est alors accentué. Ce jeu vient redoubler un effet de flou, d’irréel voulu par la mise en scène.
Le montage effectué par la superposition des négatifs crée une image à multiples visages. Les deux photos se mélangent et donnent une multitude de détails qui se fondent dans un nouvel ensemble qui a sa propre cohérence.
Aux superpositions s’ajoute la création de mises en scène sans retouches, pour j’ai travaillé avec des temps de pose très longs.
J’ai commencé ce travail en argentique avec mon boîtier au format 6×6. Le format carré m’intéressait et donnait une autre dimension à mes photographies, la composition en était alors différente.

Les compositions sont prises à des moments distincts l’un de l’autre, deux temps se reflètent ainsi dans une image. Une photographie peut être prise en été et l’autre à l’automne. Une de nuit et une de jour. Le temps est ainsi mélangé, confondu pour ne créer qu’un moment irréel, un temps qui n’existe pas et qui ne pourra jamais exister. Cette technique a servi à asseoir mon propos à un moment donné dans ma photographie. Cela m’a permis d’approfondir mon travail sur la vie sous-jacente des lieux.

Ainsi la disparition, la transparence, les présences, la double exposition,
la surexposition dans mon travail, reprennent tous les contrastes de la technique photographique. La photographie forme alors des couples et des dualités : le couple de photographies noir et blanc et couleur, le couple de la lumière et de l’obscurité, de l’apparition et de la disparition. A travers ceux-ci, elle forme inexorablement le couple inséparable de la mémoire et de l’oubli.